Durant les 15 années que j'ai passées dans le milieu hospitalier, j’ai pu assister à trois grandes étapes de l’évolution du dossier patient et du système d’information hospitalier (SIH).Chacune de ses phases a permis de renforcer le lien entre le professionnel de soins de santé et son partenaire métier : l’informaticien .
Ce dernier ne ménage pas ses efforts pour répondre aux besoins des différents acteurs de l'hôpital, tout en gardant le cap sur l'essentiel : construire un système d'information hospitalier flexible, évolutif et facile à maintenir.
Ci-dessous quelques éléments marquants de chaque étape.
Dossier patient version I : Informatisé
La volonté des décideurs d’améliorer la qualité des soins et de booster la performance de l’hôpital ont été les éléments déclencheurs d’un nombre interminable de projets de digitalisation, aboutissant à un paysage applicatif très diversifié. Cette transformation dans le quotidien des professionnels de soins a nécessité une réelle adaptation et un changement culturel très profond.
Rapidement, le DPI est devenu un outil incontournable dans la pratique médicale. La structuration de l’information s’est imposé alors comme une exigence essentielle pour bénéficier de toute la puissance de cet outil, en particulier, l’aide à la décision. Le défi était de taille, car il fallait trouver un équilibre entre la volonté du personnel soignant de se consacrer pleinement à son activité principale, à savoir soigner le patient, et le besoin grandissant des informaticiens de structurer et de codifier l'information, via des interfaces de saisie souvent complexes et consommatrices de temps.
Fort heureusement, un équilibre a été trouvé et les équipes médicales se sont aperçus de la valeur créée par le DPI. Grâce à la facilité de réutilisation et de la communication de l’information, la qualité de la prise en charge du patient s'est vue améliorer de manière très significative.
Cette étape de dématérialisation du dossier patient n'a été que le premier pallier d'une grande trajectoire de transformation vers un dossier patient plus global et plus dynamique.
Dossier patient version II : Informatisé et Intégré
Les experts IT du milieu hospitalier sont unanimes : il est extrêmement difficile de concevoir une application unique répondant aux spécificités de tous les métiers de l'hôpital. Combien même cela serait possible, il s'agirait d'une mauvaise pratique au sens informatique car une application avec un périmètre fonctionnel gigantesque devient rapidement rigide et difficile à faire évoluer. D'ailleurs, les patterns d'architecture informatique ont toujours favorisé le découpage, la spécialisation et la réutilisation des composants.
Ce n'est donc pas pour rien que nous avons constaté, ces dernières années, une explosion dans le nombre d'applications administratives et médicales du DPI. Pour pallier à ça, les projets d'intégration "Front-end" ont permis de simplifier l'utilisation de ces applications en offrant un point d'entrée unique au DPI, capable de faire interagir les différents composants et contrôler leur utilisation.
Sur un autre plan (qu'on appelle "Back-end"), l'intégration des différents flux d'informations générés par toutes les composantes du DPI (prescription, imagerie, biologie ...) est devenue la priorité des DSI. Le nouveau défi de l'informaticien : s'assurer que l'information circule correctement entre les différentes entités organisationnelles afin que chaque acteur de l'hôpital dispose de l'information dont il a besoin, au bon moment.
Par ailleurs, pour améliorer la performance des processus « Back-end », l’approche orientée «évènement» est venue compléter l'architecture applicative pour capturer, corréler et traiter en temps réel des évènements critiques détectés dans les différents flux d’informations (sécurité patient, anomalies, résultat urgent ..).
A ce stade de l'évolution, le DPII devient l'épine dorsale du système d'information hospitalier. Garder le contrôle sur ce composant, c'est tout simplement garder la maîtrise sur les processus clés de l'hôpital.
Dossier patient version III : Informatisé, Intégré et Intelligent
Le DPI intelligent agit sur plusieurs niveaux. Il permet, entre autres, d’améliorer la qualité du diagnostic grâce à l’utilisation de l’Intelligence Artificielle. En plus, il s’ouvre au patient pour le rapprocher de l’hôpital et l’impliquer dans son trajet de soins.
Au niveau de l’hôpital, la forte croissance du volume des données de production constitue un vrai frein à l’utilisation du DPII. Le médecin doit souvent parcourir une grande quantité de données à la recherche d'informations pertinentes pour prendre sa décision. Souvent, ces données proviennent de différentes sources et sont présentées de manière brute, ce qui ne facilite pas leur interprétation . C’est à ce niveau là que l’Intelligence Artificielle peut aider. En effet, les algorithmes de NLP (Natural Language Processing) basés sur des modèles d’IA, combinés avec des techniques d’OCR (Optical Character Recognition) sont en mesure, aujourd’hui, de parcourir le dossier patient en un instant et d'y relever toutes les informations dont le médecin a besoin. La reconnaissance vocale a aussi fait un sacré progrès grâce à l’IA. Le médecin peut l'utiliser pour documenter son acte médical et laisser l’IA détecter et structurer en temps réel toutes les observations. Par ailleurs, des algorithmes d’IA correctement entraînés peuvent aller jusque établir un diagnostic ou même prédire l’apparition de certaines maladies chez le patient. Il s’agit d’un excellent levier pour la médecine préventive et prédictive qui est en pleine expansion.
Au niveau du patient, la situation a évolué très vite ces dernières années. D'une part, il y a un réel besoin chez les patients d'être "connectés" à l'hôpital pour recevoir, à tout moment, des informations utiles concernant leurs trajets de soins. D'autre part, il y a cette tendance de raccourcissement de la durée des séjours hospitaliers en Belgique qui fera que le patient passera moins de temps à l'hôpital. Ces deux facteurs réunis avec la percée technologique en matière d'applications connectées ont créé de nouvelles exigences pour le DPII intelligent qui doit, dorénavant, interagir avec le patient et répondre à des informations et des évènements venant de l'extérieur de l'hôpital. Il doit, à titre d'exemple, pouvoir alerter le médecin lorsqu'un trouble du rythme cardiaque est notifié par la montre du patient qui se trouve en télé surveillance.
Le DPI intelligent jouera donc un rôle certain dans le soutien de la médecine personnalisée et l'amélioration de l'expérience patient.