Le premier baromètre sur l’adoption de l’intelligence artificielle (IA) dans les hôpitaux en Belgique lancé par AI4Belgium, avec Le Spécialiste et le bureau de consultants EY a livré ses résultats. 95% des répondants trouvent que le développement de l’IA est un enjeu important pour les hôpitaux mais 59% des répondants ne perçoivent pas le développement de l’IA comme une priorité stratégique des établissements dans lesquels ils exercent. Toutefois, cette enquête montre des attentes élevées et une volonté marquée pour s’engager dans des projets d’IA une fois les différentes conditions préalables remplies.
Pour le Dr Giovanni Briganti, co-directeur d’AI4Health (la branche santé de AI4Belgium) et psychiatre au CHU Brugmann Bruxelles, l’arrivée de la télémédecine a fait comprendre aux médecins, avec la crise Covid, sa pleine utilité. Les cliniciens ont fait le lien entre le potentiel de la santé numérique et les capacités de l’IA. Le Covid a été un accélérateur nécessaire. Pour les médecins, avant, la consultation en présentiel était un facteur inaliénable du soin. Avec le Covid, ils ont pu procéder à des consultations à distance avec des adaptations nécessaires de la part des autorités politiques et sanitaires qui ont permis de montrer une réelle valeur ajoutée.
L’AI vue de manière positive
Aujourd’hui, plus de 90% des acteurs voient l’arrivée de l’IA de manière positive ou très positive sur les conditions d’exercice professionnel au sein des hôpitaux. L’augmentation de la rapidité et de la fiabilité de la prise de décision (68%), la libération de temps pour les tâches à valeur ajoutée (55%), un suivi plus personnalisé du patient (48%) et la réduction des risques d’erreur (53%) sont les 4 principaux bénéfices attendus. Dans ce contexte, l’intégration de l’IA dans le secteur de la santé dans les années à venir pourrait être favorisée, selon le Dr Giovanni Briganti: «Les médecins se sont rendu compte qu’il était possible de déléguer certaines tâches à la machine surtout si elles n’avaient aucune valeur ajoutée pour le médecin comme la prise et le contrôle des paramètres vitaux par exemple…»
Des risques évoqués
Le tableau dressé par l’enquête se veut réaliste. Des impacts liés à l’IA sont attendus, notamment sur l’organisation du travail et la répartition des tâches (58%), les parcours de prise en charge et les protocoles (50%). Certains expriment des craintes relatives à cette mise en œuvre. Ils craignent pour 59% une déshumanisation du travail et une perte des liens sociaux, une apparition de nouveaux risques psychosociaux (33 %), une altération de la fiabilité et risque d’erreur (27 %) et une dégradation du niveau de l’emploi (27 %). Comme toute innovation technologique majeure, l’IA va en effet profondément transformer les pratiques et les métiers. La déshumanisation du travail et la perte des liens sociaux sont les craintes majeures des répondants. Ces résultats illustrent aussi le besoin de faire évoluer les pratiques de travail et les métiers pour mettre à profit l’IA dans une approche éthique et humaniste.
Selon le Dr Giovanni Briganti, ces résultats sont logiques par rapport à ce qui se passe sur le terrain. «Les directions hospitalières, à l’heure actuelle, sont incapables de rassurer les médecins dans un monde où l’intelligence artificielle va prendre de la place. Aujourd’hui, l’automatisation joue déjà un rôle important dans certaines tâches comme par exemple en radiologie, en anatomopathologie, en biologie clinique… Eux, de leur côté, y voient un risque de déshumanisation des soins et un manque de sécurité face à l’emploi. De ce point de vue-là, le monde politique et les directions hospitalières n’ont pas été capables de rassurer les médecins à propos de leur plus-value. Ce travail, tous les acteurs vont devoir le faire maintenant en redéfinissant la place du médecin.»
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