En cette rentrée politique, la Dr Catherine Fonck, cheffe de groupe des Engagés à la Chambre est très inquiète pour notre système de santé. "La priorité absolue est de recruter des soignants: Nous n’avons jamais eu autant de lits hospitaliers fermés à cause de la pénurie de soignants. On perd de la qualité des soins. Aujourd’hui, il faut oser affirmer que la qualité des soins recule tout comme les dépistages notamment dans le volet oncologique.”
Pour elle, la réalité des chiffres en Belgique est implacable : “Le corps médical a fortement augmenté dans les autres pays de l’Union européenne entre 2000 et 2019 mais pas chez nous." ( Voir le rapport de la Commission européenne intitulé State of Health in the EU. Belgique 2021 )

44% des médecins ont plus de 55 ans

Nous avons 3,2 médecins pour 1000 habitants : nous sommes l’avant-dernier pays de l’ensemble de l’Union européenne...et nous sommes en deçà de la moyenne de l’OCDE. Nous sommes le pays où la démographie (pyramide des âges) est la plus inquiétante. 44% des médecins belges ont plus de 55 ans, la moyenne européenne est à 34%. Cela veut dire que près de 20.000 médecins vont partir à la retraite dans les 10 ans... et pas dans 10 ans. La commission de planification n’avait pas pris cet aspect en compte. Nous sommes toujours en retard. C’est un dossier majeur, sans quoi le système de santé va s’écrouler.”

Quotas inami
Malheureusement, selon elle, l’accord sur les quotas inami “ n’a rien d’historique, il est insuffisant.  Ce n’est pas ce que la commission de planification avait prévu pour 2028. Il y a juste 33 médecins en plus du côté francophone par rapport au quota théorique. C’est surtout un sérieux recul puisqu’on va donc passer de 1100 étudiants à globalement 800 à 850 étudiants...Et pendant ce temps, tous les médecins qui sont formés dans les pays étrangers européens avec une validation de diplômes ont systématiquement un numéro Inami sans restriction. En plus, il ne faut pas oublier que ces médecins sont mobiles, ils sont venus chez nous... mais ils peuvent repartir vers un autre pays. Aujourd'hui, des cabinets spécialisés et des hôpitaux font des recherches intensives dans les autres pays pour recruter des médecins spécialistes ou généralistes.”

Surcharge administrative

Selon elle, la digitalisation de la santé ne pourra pas résoudre toute la surcharge administrative des soignants : “Ces dernières années, il n’y a eu aucune diminution de cette surcharge. Cela ne fait qu’augmenter. Il faut oser des réformes basculantes: Au niveau des hôpitaux, on ne cesse de rajouter des contrôles et de règles. Il faut oser une réforme qui permettrait de travailler avec des objectifs donnés aux hôpitaux (comme un contrat de gestion) qu’ils doivent atteindre. Par exemple, on pourrait décider d’arriver à 70 à 80 % de chirurgie en hôpital de jour. Il faut voir si c’est le bon pourcentage, mais il faut faire un choix en concertation avec le secteur.”

Manque de technologues
Elle attire aussi l'attention sur “le manque de technicien en radiologie et en radiothérapie qui devient très inquiétant. Il y a de fortes pénuries sur le terrain. Le ministre Vandenbroucke ne semble pas vraiment prendre la mesure de la gravité de la situation. L’impact au niveau des soins risque d’être très inquiétant sur l’ensemble de la Belgique. Une étude belge publiée en mars 2022 dans Radiography (Sousa and al) souligne la nécessité d'actions rapides dans la formation et le développement professionnel des technologues en imagerie médicale et des infirmières belges travaillant en radiothérapie, compte tenu de leur rôle critique dans le traitement des patients en radiothérapie. »

Le manque d’infirmiers
Enfin, dans les hôpitaux, pour elle, “le manque d’infirmier touche directement les médecins. Ils ne peuvent pas continuer à travailler dans de bonnes conditions sans un nombre d’infirmiers suffisants. Le ministre veut reporter toute décision ou financement supplémentaire à la législature suivante. La seule solution qu’il met en avant ce sont les étudiants, les pensionnés et les chômeurs. Cette solution est anecdotique, ils ne vont pas devenir des infirmiers spécialisés en un coup de baguette magique. Il faut un plan d’attractivité urgentissime parce qu’il faudra plusieurs années avant d’avoir des résultats sur le terrain. Un infirmier spécialisé ne se forme pas en un an. Il y a 6000 postes vacants d’infirmier aujourd’hui alors qu’il n’y en manquait que 4.500 en 2019. ”
Pour elles, les patients sont plus en danger aujourd’hui qu'hier: “Notre moyenne actuellement est la suivante : un infirmier responsable de 9,4 patients....et même 18 patients la nuit ! Je rappelle que les normes internationales soulignent que plus de 8 patients par infirmier est une situation peu sûre et amène un manque de qualité des soins. 70% des infirmiers disent ne pas avoir le temps de parler avec leur patient. ”
Pour le Dr Fonck “Il faut fixer un nombre légal de patient par infirmier en fonction des services et des moments de la journée. Aujourd’hui, les problèmes se posent surtout en médecine interne, en gériatrie et en chirurgie. “