Écrire à propos de l'enfance suppose un engagement particulièrement intense et pour le moins dangereux si l’on veut éviter les lieux communs de la pleurnicherie contemporaine et des ressentis qui font plus penser aux miaulements qu’à autre chose… Écrire du point de vue d'un enfant est encore plus vertigineux et nous pensons à ce livre fameux de Jules Renard, « Poil de carotte »…
Monique Bernier vient de nous donner un roman, « Hugo », à propos de cette enfance-là...Hugo a cinq ans et sa mère vient de disparaître « pour faire du cinéma », dit le père qui se met à boire, « tombe en dépression » et se met à mal aimer et à maltraiter le petit garçon. À ce stade on pourrait se dire que les fameux lieux communs sont au rendez-vous, mais, tout de suite, l’auteure nous en éloigne…
Hugo apparaît vite, c’est lui qui parle à travers la voix de la narratrice, comme un enfant douloureux confronté à la violence psychologique et physique, mais également un personnage attachant tant, au cœur de cette tempête émotionnelle et surtout fondatrice, il sait s’entourer d’amis et de sa grand-mère, qui sont les points d’appui qui lui permettent de ne pas être dilué dans tout ce malheur.
« Enfance » de Maxime Gorki, et bien d’autres romans des siècles précédents, nous présentaient ce type de personnages sans ces « tuteurs de résilience » comme on le dit aujourd’hui. Hugo n’est donc pas seul, ni le plus malheureux des enfants et c’est cette condition, probablement, qui le rapproche de nous, cette sorte de « normalité » du chagrin, de la peine, du malheur.
Hugo va nous raconter sa vie, ses expériences pendant les quatre années suivantes et, quand il a neuf ans, un événement inattendu, une sorte de chute à la Hitchcock viendra clôturer ce beau roman de Monique Bernier disparue en 2024, peu après sa parution.
Monique Bernier était psychothérapeute, elle s'occupait particulièrement des enfants et ça lui donne probablement quelques compétences particulières mais ce n'est pas le plus important ici ; l'empathie chez un écrivain ne doit rien à sa profession. Elle était surtout une écrivaine qui dépliait son écriture dans les urgences de l'être.
La douleur, le chagrin, la tristesse, la mélancolie, tous ces mots sont les déferlantes de la solitude qui, elle-même, peut devenir une forme de disparition de soi et de dissolution dans un autre univers, un univers de remplacement.
Hugo connaît la rude expérience de l'abandon, mais aussi du réconfort et de toutes ces accolades que la vie peut donner à celui qui veut ou sait les accueillir.
Monique Bernier a tout simplement et superbement créé un personnage particulièrement attachant et aimable.
Monique Bernier, Hugo, Roman, 2024,188 pages, 19€, ISBN: 978-2-8070-0428-3 (livre imprimé) - 978-2-8070-0429-0 (PDF) - 978-2-8070-0430-6 (Epub) M.E.O Editions