Première artiste féminine à s'exposer au Musée Magritte, l'Américaine Emily Mae Smith accrochera ses tableaux dès vendredi et jusqu'au 2 mars 2025 à Bruxelles. Ses peintures souvent colorées, toujours symbolistes, donnent la réplique au plus célèbre des surréalistes belges pour questionner la société sur la place accordée aux femmes.
Sa contribution commence avec deux tableaux placés en miroir. À gauche, une théière assoupie fume tranquillement. À droite, un balai chevelu s'adosse au cadre, cigarette à la main. Le tout, nimbé de mauve et de motifs floraux, rappelle les petits personnages de la Belle et la Bête. La réf&eacut e;rence aux studios Walt Disney est cependant ailleurs: inspiré du balai ensorcelé de "Fantasia", l'objet ménager est devenu l'avatar de cette Texane d'origine et New-Yorkaise d'adoption.
"J'ai toujours peint des objets pour créer ma narration. Un jour, je regardais Fantasia et il y a cette scène où le balai travaille sans relâche, au gré des ordres du sorcier. Cela a résonné en moi" car, "à cette époque (2014), je cumulais tellement de boulots", se remémore l'artiste née en 1979. Par ricochet, cette dernière s'est mise à interroger la place des femmes dans la société - "Comment peuvent-elles être objets et sujets à la fois" - et leur invisibilisation dans le monde de l'art - "Quand avons-nous commencé à penser que c'était normal?", lance-t-elle avec étonnement.
Par des motifs nets et colorés, la peintre plonge le public dans les yeux d'une femme. Dans "Head Horizon World" (2020), leur reflet n'est "pas vraiment plaisant, c'est une dystopie", fait-elle remarquer. Avec "Eve" (2018), Emily Mae Smith associe au péché originel une pomme ronde et verte - qui n'est pas sans rappeler celle d'un certain Magritte. "Mais on n'entend jamais sa version de l'histoire, n'est-ce pas?", rit-elle. Dans "The Studio, Odalisque" (2016), son balai devenu pinceau s'alanguit dans une pose lascive sous un dégradé rouge-rose-blanc, les yeux fixés sur le spectateur "au mépris de la politesse et du bon goût", s'amuse l'Américaine. Dans le style du ca rtoon, elle "tourne en ridicule la perspective masculine" à grand renfort de pistolets et de moustaches "folles".
Plus loin, l'artiste rebondit entre la "Femme-Bouteille" de Magritte (peinte vers 1949) et son "Inspector" au corps tout aussi nu et rose. Quant au portrait en gros plan de son balai, il répond à celui d'Anne-Marie Crowet tracé par René Magritte.
Du pop art aux références mythologiques, Emily Mae Smith se joue donc des formats et des techniques. "C'est l'un des avantages d'être artiste aujourd'hui", acquiesce celle pour qui "c'est un rêve devenu réalité" d'exposer ses œuvres aux côtés du maître belge.