" Pourquoi je me suis abstenu de voter au Comité de l’assurance " ( Dr Luc Herry )

Le budget 2025 était discuté cette semaine au Comité de l’assurance. Le Dr Luc Herry (ABSyM) fut le seul à s’abstenir de voter. Il nous explique pourquoi : à ses yeux, la suppression de la téléconsultation est un véritable « retour au Moyen-Âge ».

Dans le cadre du budget 2025 discuté au Comité de l’assurance cette semaine, la décision de s’en prendre à la téléconsultation sous prétexte d’économies est une erreur fondamentale et un manque total de vision prospective. Si on ne la restaure pas en 2026 sous une forme efficace, on pourra parler de véritable retour au Moyen-Âge. A-t-on bien conscience que la télémédecine est en marche et qu’il ne s’agit pas d’avenir, mais bel et bien de présent ? Pas plus tard que cette semaine, un chirurgien français se trouvant dans l’Hexagone a opéré deux patients chinois localisés… en Chine ! Cela, c’est la technologie d’aujourd’hui, dont fait partie la téléconsultation.

Cette proposition faite au Comité de l’assurance de ne pas reprendre de poste budgétaire en 2025 pour la téléconsultation est en contradiction frontale avec la priorité déclarée pour l’accessibilité aux soins. Dans les zones en pénurie, cela peut tout simplement conduire à la catastrophe.

La vidéo-consultation est maintenue, dira-t-on. Mais quel médecin en zone de pénurie va encore pouvoir trouver le temps de mettre en route les préparatifs nécessaires pour une vidéo-consultation ? Il faut créer un lien, s’assurer des coordonnées électroniques du patient, lui faire parvenir ce lien… et prendre rendez-vous. Un rendez-vous par téléphone ? Alors pourquoi pas une téléconsultation d’emblée ?

Et qu’en est-il des postes de garde ? La téléconsultation, lorsqu’elle est possible, évite des déplacements là où il n’est pas nécessaire de voir le patient. Et l’ordonnance digitale existe : elle constitue même une suite logique de la téléconsultation. Voilà une contradiction de plus. On supprime la téléconsultation mais on maintient l’ordonnance électronique. Ce n’est pas la dernière ineptie : on se dit soucieux, aujourd’hui, du bien-être des médecins, mais on supprime des moyens techniques qui peuvent leur éviter certains déplacements et favoriser une meilleure organisation de leur travail.

Sans compter que les médecins généralistes pratiquaient la téléconsultation depuis bien longtemps avant qu’elle ne commence à être remboursée. La seule différence entre cette époque et ces dernières années, c’est que maintenant que le tiers payant est possible, on pouvait se faire honorer pour une téléconsultation. Et maintenant, on veut supprimer les honoraires en question.

En réalité, 428 médecins généralistes tarifient 1.278.714 € au total par an pour des téléconsultations. Pour chacun de ces 428 médecins, cela représente 58 téléconsultations par semaine, soit 12 par jour. Et les 10.507 autres médecins généralistes tarifient 4.356.865 € de téléconsultations, soit une moyenne de 414 par an ou 8 par semaine, ou encore 1 à 2 téléconsultations par jour. Cela n’est nullement une exagération. Ainsi ventilée, cette vision est plus nette : 10.507 médecins tarifient 1 à 2 téléconsultations par jour en moyenne et 428 médecins en tarifient en moyenne 12 par jour. Il faut aller voir chez ces 428 médecins ce qui se passe et laisser les 10.507 autres continuer leur boulot tranquillement. Sinon, il y aura dans cette suppression une mesure très vexatoire pour ces 10.507 médecins.

Il est prévu de redéfinir la téléconsultation pour 2026, ainsi que le budget qui lui serait attribué. Mais de quelle manière ? On est dans le flou total. La conclusion de tout cela, c’est qu’une fois de plus, pour faire des économies, on s’attaque essentiellement à la médecine générale. Pour trouver 70 millions d’économies, on en prend 60 millions chez les généralistes. Ce sont eux qui rééquilibrent à leurs dépens le budget des soins de santé. Après cela, on s’étonnera de voir les jeunes médecins quitter le métier ou quitter le pays ?

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