Chaque semaine, un gestionnaire d’institution de soins réclame des aides financières publiques. Leur demande se résume bien trop souvent à une chasse aux financements, sans vision claire, sans objectifs tangibles, et sans la moindre transparence ou garantie.
Soigner la population. Former les futures générations de soignants. Faire avancer la recherche. Ces missions requièrent des supports techniques et administratifs dédiés. La réalité est tout autre.
Les soignants sont accablés par des dérives managériales, entraînant départs massifs et pénuries. La crise s’intensifie. Les outils technologiques, bien que coûteux, sont obsolètes. Les institutions de soins affichent un retard marqué, à la fois démocratique et technologique, face à l’évolution sociétale.
En réponse, des directions instrumentalisent le manque de moyens pour justifier des coupes budgétaires se répercutant sur les soignants et pour solliciter, sans discernement, davantage de moyens publics sans analyse préalable des coûts engendrés par leurs propres structures. Cette attitude favorise une culture d’opacité, de concentration du pouvoir et de conflits d’intérêt permettant tous les abus. La particratie gangrène la gouvernance de nos institutions de soin. Sous influence politique, la course aux ressources publiques prime, souvent en dépit du bon sens. Des sommes astronomiques sont allouées aux hautes directions et aux conseils d’administration, ainsi qu’à la défense d’intérêts éloignés des missions initiales, via des entités nébuleuses, fédérations et associations faîtières, méconnues du grand public et des soignants.
Innover ou vivoter
À la Délégation des Médecins Francophones en Formation (DEMEFF), nous refusons ce discours du manque de moyens justifiant l’inaction - de la prise en otage des soignants et de la population contre subvention. En deux ans, avec une équipe bénévole et sans aide publique, nous avons démontré l’efficacité de notre approche. Parmi nos réalisations, citons l’élaboration de dossiers d’expertise pour les jeunes médecins, la défense de nos intérêts face à des fédérations hospitalières professionnelles, et le développement d’une application mobile qui surpasse largement celle financée par l’INAMI à hauteur d’un million d’euros. Et pourtant, le pouvoir politique et publique semble réfractaire à s’inspirer de notre expérience. Plus inquiétant, il est impuissant face aux manœuvres politiciennes de certaines institutions de soins qu’il subventionne. Récemment, une institution universitaire bruxelloise a publiquement contredit le ministre de la Santé, tandis qu’une fédération hospitalière a encouragé ses membres à passer outre un arbitrage du ministre de l’Emploi.
Ces comportements transgressifs révèlent une particratie toute-puissante prête à sacrifier la qualité des soins et le bien-être des soignants pour protéger ses privilèges, ignorant les nécessités sociétales.
Seul un engagement courageux et transpartisan de nos ministres en faveur d’une réforme structurelle, couplé à la mobilisation de toutes les forces constructives, permettra de surmonter ces influences contre-productives actuellement à l’œuvre dans nos institutions de soin.
Nous demandons à la presse d’initier une enquête journalistique sur l’organisation et le financement particratique des institutions de soins de notre pays.
Au ministre Vandenbroucke, Vice-Premier ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, nous sollicitons un état des lieux des subventions publiques allouées et de leur impact réel sur les missions essentielles.
Au Secrétaire d’État Dermine, chargé de la Politique scientifique et adjoint au ministre de l’Economie et du Travail, nous sollicitons avec insistance une entrevue pour présenter notre travail, exposer nos propositions et envisager une collaboration future.
Derniers commentaires
Bernard VAN LIERDE
09 novembre 2023Je crois qu en temps de pénurie notamment la tentation existe de renforcer la présence administrative au sein des hôpitaux, pas tous sans doute, mais comment le savoir même si on y travaille comme medecin. Il y a des opacités, des allocations d assets subtiles dignes je crois du Medicare américain. Il n y a pas encore de privatisation véritable mais ça c est parce que jusqu’à présent la sécurité sociale existe dans ce pays à la différence des states ou c est le règne de l argent qui donne le pouvoir.
Mais la sécu n est pas éternelle et certains au sein du service public fourbissent déjà leurs armes en vue d’une privatisation partielle d abord puis de plus en plus totale sous couvert d économies sans doute nécessaires. L ère de la prodigalité et de l insouciance ( pas nécessairement synonyme de gabegie mais d innocence ) est finie depuis longtemps…Va falloir se débrouiller avec les moyens du bord.
Harry Dorchy
06 novembre 2023Il est évident qu'il faut séparer les pouvoirs. Les politiciens et les hospitalo-administratifs (de plus en plus nombreux, souvent très coûteux, à charge des honoraires médicaux, nommés politiquement et pas obligatoirement avec les diplômes ad hoc) sont de plus en plus influents dans les coupoles hospitalières qui privilégient la rentabilité financière à celle de la qualité des soins.
Enlevons quelques couches de la lasagne politico-administrative hospitalière et les économies financières suivront, avec un plus grande efficacité des soins hospitaliers & une plus grande humanité...