Depuis 5 ans, Giovanni Briganti observe, commente et réfléchit à propos des études de médecine, du numerus clausus et de la sélection des futurs médecins par un examen d’entrée. Pour lui, une réforme profonde du système universitaire est nécessaire.
Il y a 5 ans, je passais mon «examen d’entrée». A l’époque, il s’agissait encore d’un examen obligatoire non contraignant, aussi appelé TOSS: le Comité interuniversitaire des étudiants en médecine (CIUM) m’avait recruté directement à la sortie de l’examen, une épreuve impressionnante de 8h. Les délégués du CIUM étaient assez sympathiques. Ils expliquaient aux étudiants qu’il était important de faire cette épreuve sérieusement, puisque la réussite de l’examen d’entrée était assez bien corrélée avec la réussite sans échecs des examens de janvier, ceux des sciences fondamentales (mathématiques, chimie, physique, biologie), et que le CIUM s’était battu pour que cette épreuve soit installée. Un étudiant a donc posé une question: si je ne réussis pas, ça veut dire que je ne serai pas un bon médecin plus tard? Le délégué du CIUM avait expliqué que non: l’examen d’entrée ne représente pas du tout la suite des études de médecine, surtout la période clinique.
5 ans plus tard, à la présidence du même comité m’ayant recruté avant même que je pose mon sac sur les bancs de médecine, je ne peux qu’être d’accord: réussir l’examen d’entrée ne rend pas meilleur médecin. Selon plusieurs études scientifiques (voir travaux des Prs Barr et Powis), un examen d’entrée tel qu’on le conçoit en Belgique sélectionne surtout un profil «polytechnicien». Une étude réalisée récemment par une étudiante de Solvay au sein du CIUM a en effet montré que les étudiants bons en mathématiques ont deux fois plus de chance de réussir cette épreuve. Tout comme les étudiants issus de milieux socio-économiques favorisés.
Pendant la deuxième année de mes études, le CIUM avait débuté une étude pour évaluer l’impact réel de la réussite de l’examen sur la réussite de la première année. La méthodologie de l’étude écartait les étudiants n’ayant pas étudié de façon sérieuse. Les résultats ont été quelque peu étonnants: 50% des étudiants sondés avaient réussi leur première année de médecine après avoir raté l’examen d’entrée non contraignant. Plus tard, une étude longitudinale a montré que, en général, la Belgique respecte le taux de corrélation entre réussite de l’examen d’entrée et première année de médecine: 70% des étudiants.
«Chouette!
L’examen d’entrée marche bien. Non?»
Non. La différence entre la typologie des cours abordés en première (plutôt scientifiques) et en deuxième (plutôt médicaux) ainsi que la méthodologie pour les réussir est colossale. On passe en effet de la compréhension (pour les mathématiques, la physique, la chimie) à de la mémorisation (anatomie, physiologie, médecine interne).
Une année après cette étude, j’ai réécrit le mémorandum du CIUM sur le numerus clausus et la sélection en médecine en vue des élections fédérales qui ont permis la formation du gouvernement fédéral du Premier ministre Charles Michel. A cette époque, le Pr Powis (basé en Australie) avait publié plusieurs articles scientifiques intéressants, résultats d’une vingtaine d’années de recherches approfondies sur les systèmes de sélection en médecine. Dans une étude, il comparait la réussite des étudiants dans des écoles de médecine pourvues d’un examen d’entrée, et la réussite de ceux qui étudiaient dans des facultés sans examen d’entrée: aucune différence significative n’était retrouvée. En gros, peu importe si l’étudiant a réussi ou pas un examen d’entrée, il aura les mêmes chances de réussir ses études de médecine. De plus, Powis avançait dans la même étude des facteurs de risque d’abandon des études: le plus important était le manque de maîtrise de la langue maternelle.
«Mais si cet examen ne marche pas, pourquoi garde-t-on une sélection?»
En Belgique, nous avons une planification de l’offre médicale. La problématique Inami s’est arrêtée en début 2018 après 20 ans de combats sur le status quo actuel: «Tout étudiant obtiendra un numéro Inami si une sélection est organisée». Ceci revient à dire que si on annulait l’examen d’entrée en Fédération Wallonie Bruxelles, les étudiants en cours de cursus ne pourraient pas exercer la médecine curative.
Il s’agit d’une situation compliquée pour les étudiants ainsi que pour les décideurs politiques à tout niveau.
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Le débat se poursuit sur @Le Spécialiste @MediSphereHebdo
A mon époque (pas si lointaine pourtant ! Quoique ... ) la sélection était « naturelle » on nous annonçait « regardez votre voisin de gauche , celui de droite. De vous trois, seul 1 passera en 2ème »!! On était aussi beaucoup moins nombreux en première à tenter l’aventure
— depuydt caroline (@DepuydtCaroline) 7 septembre 2018
Cela n'a rien de naturel, c'est dirigé par les déterminants socio-économiques (bon milieu social, pas besoin de job étudiant, réseautage, bonne école secondaire qui prépare déjà aux cours pour matheux de la 1e année). L'élitisme est-il garant d'une bonne médecine pour tous?
— Nathalie Schirvel (@NatSchirvel) 8 septembre 2018
Plus que l'examen d'entrée, c'est le contenu qu'il faudrait sans doute revoir. Le bon mathématicien/scientifique fera-t-il le bon medecin? Certains métiers demandent autant d'expertise technique que de psychologie humaine outre une responsabilité civique.
— Karolien Haese (@Karolien1231) 8 septembre 2018
Non mais nous sommes tous différents.... du socio-économique à la génétique. Un peu de pragmatisme aiderait à l’acceptation de ce type d’examens et à tout ce qui n’est jamais parfait. Au final, la médecine est-elle un bon job? La vie de médecin est-elle un déterminant du bonheur?
— Gilbert Bejjani (@drbejj) 8 septembre 2018
Dans ce débat, vos questions, interrogations, aussi légitimes soient-elles, ne s’appliquent-elles pas également aux autres métiers et formations ? A défaut de gommer toutes les « aspérités » de la société ( et du système ) essayons du moins de la rendre moins inéquitable ... @all
— Gilbert Bejjani (@drbejj) 8 septembre 2018
Je pense que le seul argument valable pour un concours ou un examen type TOSS est que cela apprend la rigueur & une méthode de travail, et met en relief la motivation d'étudier. Cela vaut pour toutes les études. Un étudiant qui réussit un concours peut réussir n'importe lequel.
— Nathalie Schirvel (@NatSchirvel) 8 septembre 2018