Les tensions se cristallisent autour de la table des négociations, où chaque parti défend des priorités opposées, notamment sur la norme de croissance et les réformes à imposer aux mutuelles. Dans ce contexte de méfiance, les arbitrages des présidents de parti seront cruciaux pour surmonter les divisions et fixer le cap pour le système de santé belge.
Alors que le président de Vooruit, Conner Rousseau, exige notamment une nouvelle note socio-économique et met les négociations en mode « pause » depuis lundi, l’ambiance autour de la table sur le volet « santé » est tendue entre les différents partenaires, qui font face au « rejet » du budget des soins de santé.
En effet, le président de Vooruit n’a pas apprécié le manque de loyauté de certains partenaires actuels, et surtout l’acte posé par le parti du Premier ministre. « Cela a amené un peu de méfiance entre certains acteurs », reconnaît un des négociateurs.
Un aboutissement dans trois semaines ?
Actuellement, les discussions sur le volet « santé » se poursuivent entre les membres (conseillers politiques, experts...) du futur gouvernement. L’objectif des intervenants autour de la table est d’aboutir dans les trois semaines, avant les arbitrages. « Vooruit ne rentre dans le gouvernement que s'il prend la santé. Les francophones ont déjà prévenu : "il y aura beaucoup plus de contrôle politique de l’action de Vandenbroucke" », nous confie un expert habitué des dernières lignes droites.
En attendant, deux dossiers restent très complexes : la norme de croissance et l’avenir des mutuelles.
Une partie de la norme pour l’innovation
La question de la norme de croissance, qui divise encore les intervenants, sera tranchée par les présidents de parti. Pour certains acteurs, il est essentiel de réserver une partie de cette norme à l’innovation. Ainsi, une norme de croissance de 2,5 % (préférée par le MR et la N-VA) réserverait 0,5 % à l’innovation. En cas de norme à 3,5 % (souhaitée par Vooruit et Les Engagés), ce même 0,5 % serait également préservé pour l’innovation.
Limiter les moyens et le rôle des mutuelles
L’autre sujet délicat concerne les mutuelles : l’intention est de les recentrer sur leur mission de base exclusivement. Du côté du MR et de la N-VA, on souhaite que les mutuelles participent aux efforts budgétaires. « La volonté de ces deux partis est surtout de diminuer les frais de fonctionnement. » Cette position suscite des résistances, notamment chez Les Engagés et Vooruit, qui y sont opposés. Des arbitrages par les présidents de parti sont également prévus. « Il y a aussi une volonté d’interdire les activités politiques des mutuelles et celles non-essentielles pour les soins de santé et les patients », ajoute un conseiller francophone.
Les autres dossiers chauds
-
INAMI : La gouvernance de l'INAMI devra être revue, les négociateurs estimant qu'il y a trop de comités. Plus de contrôle politique est souhaité.
-
Médicaments et rôle du médecin : Le gouvernement veut lutter contre la surconsommation de médicaments, notamment les antidépresseurs, en sensibilisant les médecins à réduire les prescriptions non indispensables.
-
Données de santé : Le futur gouvernement souhaite une meilleure utilisation des données de santé des Belges, en exigeant que les mutuelles partagent leurs données avec l'INAMI pour améliorer l'efficacité des soins. Le manque d’optimisation des données actuelles coûte, selon les estimations, des millions d’euros à la société.
-
Pharmacien : Les négociateurs souhaitent renforcer le rôle du pharmacien, sans pour autant empiéter sur celui des médecins.
-
Remise au travail des patients de longue durée : Le dossier stagne malgré les annonces, les contraintes du terrain et le rôle des médecins étant à prendre en compte.
-
Certificat de complaisance : Le futur gouvernement souhaite responsabiliser davantage les médecins. Une proposition du MR prévoit que le généraliste devienne le médecin titulaire des certificats, bien qu’elle n’ait pas fait consensus.
-
Infirmière : Le plan d’attractivité doit être relancé, mais il manque de mesures concrètes et chiffrées. Le gouvernement semble manquer d’une vision claire et rapide.
-
Pénurie de médecins : La responsabilité de gérer cette pénurie sera laissée aux Régions et Communautés.
Comme on le constate, les tensions autour de la norme de croissance et de la réforme des mutuelles bloquent les négociations budgétaires pour le secteur de la santé. À l’approche de l’échéance cruciale du 15 décembre, la pression monte : faute de compromis, un nombre important de médecins pourrait se déconventionner, accentuant la crise. Dans ce contexte, les arbitrages des présidents de parti s’avèrent essentiels pour débloquer la situation et répondre aux enjeux de financement et de modernisation d’un système de soins sous tensions.
Lire aussi:
> Pas de budget 2025 : quelles conséquences pour les médecins ?
> Soins de santé: De Croo assume le blocage du budget et laisse cela à l'Arizona
> «Inimaginable»: le budget des soins de santé 2025 n’est pas voté