Lors du symposium sur l’agression dans les soins, organisé samedi par l’Ordre des Médecins, les statistiques actuelles concernant le nombre d’agressions déclarées ont été dévoilées. Les chiffres de l'année précédente ont déjà été largement dépassés dès le début du mois d'octobre 2023. Mais quels sont les causes et les circonstances les plus fréquentes d’une agression ?
« La création d'un point de contact pour signaler les agressions subies par les médecins a suivi l’assassinat du Dr Patrik Roelandt en décembre 2015 », a rappelé le Pr Michel Deneyer, vice-président néerlandophone de l’Ordre, lors du symposium. Il s'agissait non seulement de lui rendre hommage, mais également de manifester la volonté de « contribuer à résoudre cette problématique urgente ». Depuis lors, le nombre de signalements n'a cessé d'augmenter, et nous avons déjà plus du double de cas par rapport à l'année 2022 toute entière, au début du mois d'octobre. À ce jour, 152 cas ont été signalés, contre 72 l'année précédente.
Cependant, nous sommes probablement encore loin de la réalité. Une étude de la VUB, publiée en 2019 dans le BMJ et portant sur les agressions subies en 2017, suggère que le nombre réel d'incidents est bien plus élevé. L'échantillon de médecins interrogés comptait 36 335 confrères, et 3 726 avaient répondu : 36,8 % de ces répondants avaient subi une agression au cours de l'année écoulée. En extrapolant ces chiffres, on pourrait estimer à 13 371 le nombre de cas pour l'ensemble des médecins cette année-là.
Qui est agressé ?
Le médecin généraliste est le plus souvent la cible des agressions. Sur les 559 incidents déclarés depuis la création du point de contact, il est concerné dans 309 cas, soit 55 % des signalements. Les spécialistes hospitaliers représentent 8 % des déclarations, et les médecins en formation 6 %. Viennent ensuite les spécialistes extra-hospitaliers avec 5 %. Il convient toutefois de noter que dans 25 % des rapports, la qualification du déclarant n’est pas précisée.
Quel type d'agressions ?
Près de la moitié des incidents (46 %) se produisent en salle de consultation, 24 % par téléphone et 10 % au domicile du patient. Il s’agit d’agression verbale dans 60 % des cas et d’agression psychologique dans 21 %. La proportion d’agressions physiques s’élève à 15 %, et il y a même 3 % d’agressions sexuelles.
Les causes de l'agression ?
Dans 19 % des situations rapportées, l’agresseur a un passé psychiatrique ; il est sous influence dans 6 % des cas et a un passé criminel dans 4 % des signalements. Le plus souvent (71 %), le profil de l'agresseur n'est pas décrit dans la déclaration. Les principales causes sont un mécontentement du patient vis-à-vis de l’intervention du médecin (26 %), le refus d’une attestation ou d’une ordonnance (23 %), la durée de l'attente (10 %) ou des questions financières (honoraires, manque d’argent, etc. 5 %).
Aucune cause immédiate n'est identifiée dans 4 % des cas, et le comportement sous influence est mentionné dans 4 % des cas. Cependant, dans près de 25 % des situations, le déclarant ne se prononce pas sur la cause de l’agression. Quoi qu’il en soit, les conséquences peuvent être dramatiques, comme l’a expliqué Emilie Maroit, psychologue clinicienne au Grand Hôpital de Charleroi. « Leur gravité dépend aussi bien de facteurs internes (personnalité, ressources, etc.) que de facteurs externes (environnement de travail, par exemple), mais cela peut aller de l'irritabilité à la perte de sens, en passant par l'agressivité, le désinvestissement et d'autres traumatismes psychologiques, voire à l'épuisement professionnel. » Il ne faut pas non plus négliger les répercussions physiques, telles que les troubles du sommeil, les troubles cardiaques, les problèmes gastro-intestinaux, entre autres.
La connaissance des causes et des circonstances d’une agression peut contribuer à sa prévention ou à son désamorçage. Plusieurs attitudes sont possibles et recommandées, a souligné le Pr Christian Mélot, vice-président francophone de l’Ordre. Il a insisté sur l'importance de la parole apaisante, de l'attention individuelle portée au patient et sur la nécessité d'adopter une attitude compréhensive envers lui. « Mais il y a encore beaucoup de travail à faire, non seulement pour encourager les déclarations, mais aussi pour sensibiliser les médecins aux attitudes et précautions qui peuvent aider à prévenir l’escalade de tension dans la relation médecin-patient ou à apaiser les conflits potentiels », a-t-il conclu.
> Formulaire de déclaration d’agression
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