Une pétition vient d’être lancée en France par un généraliste, visant à ce que le code de déontologie stipule texto qu’un médecin doit s’interdire toute relation sexuelle avec ses patient(e)s. L’Ordre belge recense 76 condamnations de médecins, chez nous, de 2005 à 2017, dans des dossiers de faits de mœurs. Et il regrette de ne pas pouvoir prendre les devants, quand il a vent d’un danger potentiel.
La pétition «Hippocrate» a été lancée fin mars par Dominique Dupagne, un généraliste parisien, enseignant, bloggeur et chroniqueur sur France Inter. Les signataires réclament qu’on greffe au code de déontologie médicale un article qui, explicitement, interdira aux médecins toute relation sexuelle avec les patient(e)s qu’ils soignent. Ils affirment qu’en cas de poursuites, les médecins abuseurs «s’appuient sur ce vide juridique pour échapper aux sanctions».
Comment l’Ordre belge perçoit-il la démarche? Avec distance, clarifie tout de go son vice-président francophone, le Pr Jean-Jacques Rombouts, car il y a une différence fondamentale entre pays. «En France et au Luxembourg, le code de déontologie est inscrit dans la loi. Chez nous, il correspond plutôt à un ensemble de principes généraux qui orientent les comportements attendus d’un médecin, comme avoir une attitude respectueuse envers les patients. Une action disciplinaire ne va pas se fonder sur le code, mais en vertu des dispositions légales de 1967, va réprimer les fautes de nature à entacher l'honneur ou la dignité de la profession.»
En juin 2013, rapporte le vice-président, nous avons demandé à la ministre de la Santé de l’époque, Laurette Onkelinx, de pouvoir agir dans l’urgence, pour préserver la sécurité des patients, par exemple via la suspension d’un médecin, en cas de dangerosité possible. «La compétence a bien été formalisée dans la loi du 10 avril 2014. Toutefois, ce n’est pas l’Ordre qui l’a reçue, ce sont les commissions médicales provinciales (CMP).» Des entités qui dépendent du SPF, rappelle notre interlocuteur, mais dont le rôle demeure d’après lui «méconnu, notamment des juges», dont le pouvoir d’investigation est «limité» et qui sont «en sursis compte tenu de la volonté de Maggie De Block de supprimer les structures provinciales».
Outre le fait que l’AR devant régler la procédure d’urgence se fait attendre, on a allongé la chaîne là où il faudrait de la réactivité, regrette en substance le Pr Rombouts. «Si l’Ordre entend qu’un médecin est potentiellement nuisible, il ne peut pas intervenir. Il doit prévenir la CMP.»
Jean-Jacques Rombouts indique qu’entre 2005 et 2017, il y a eu 76 condamnations ordinales de médecins liées à des faits de mœurs. 76 sur un total de 7.421. «Ce n’est pas énorme, mais ça fait quand même environ six par an, avec des variations d’année en année: des pics d’une douzaine de condamnations en 2005-2006, période où la vigilance face à la pédophilie était élevée, mais par contre aucune en 2015, 4 en 2016, 2 l’an passé… Nous parlons donc ici de mesures disciplinaires venant s’ajouter à une condamnation pénale préalable, parfois plusieurs années après les faits.» Elles peuvent aller de la réprimande à la radiation, avec des suspensions de 1 jour à 2 ans.
Ce texte est composé d’extraits d’un article plus fouillé qui paraît dans Medi-Sphere n°585, en date du 5 avril.