Vendredi après-midi, Jean-Noël Godin, directeur du GBO, était auditionné par la Commission parlementaire mixte en charge d'évaluer l'efficacité des répartitions de compétences suite à la dernière réforme institutionnelle. Il a copieusement illustré les incohérences découlant de la balkanisation des prérogatives dans le secteur de la santé, avant d’énoncer quelques pistes à creuser pour corriger le tir, en gardant pour mantra de fournir les soins au plus près du patient.
Des voix s’élèvent régulièrement pour regretter le morcellement des compétences, qui n’aide pas la performance du système de soins, voire pour réclamer une refédéralisation. Combien de fois n’a-t-on pas raillé dans la presse, durant la crise du covid notamment, la « surabondance à la Belge » (ou plutôt : « à la francophone ») de ministres détenant chacun des bouts de prérogatives ? Combien de fois n’a-t-on pas réclamé un commandement unique pour riposter efficacement au coronavirus ?
Auditionné au Sénat aux côtés de différents dirigeants de l’Inami, Unessa, l’Aviq, Iriscare, l'Agentschap Zorg en Gezondheid, etc., Jean-Noël Godin n’a pas manqué d’énumérer des travers de l’émiettement des compétences. Dont, en tête de liste, la séparation entre le curatif (niveau fédéral) et le préventif (niveau fédéré) qui est « contreproductive car elle n’incite pas à développer une vraie politique de prévention qui mènerait à une diminution des besoins curatifs ». Situation qui a des « conséquences budgétaires négatives évidentes ».
Le directeur du GBO qualifie aussi de « non-sens » la fragmentation des compétences de la première ligne, de la santé mentale et des hôpitaux. Et d’enchaîner sur des exemples tirés de la sphère MG : la fixation de l’offre médicale globale, le financement des prestations et l’obligation de garde (inscrite dans la « loi qualité ») relèvent du fédéral. Les sous-quotas, eux, relèvent du communautaire (« avec un risque de mauvaise prise en compte des spécificités bruxelloises qui sont bicommunautaires ») et sont définis à partir du quota fédéral sans considération des besoins régionaux de la population. L’organisation de la médecine générale, les cercles, les fonds Impulseo, eux, sont régionalisés. « Autre exemple, l’aide à domicile : pour un même patient, les soins infirmiers relèvent du fédéral, mais l’assistance familiale des entités fédérées. »
Mais que préconise le syndicat pour corriger le tir ? Selon lui, il serait judicieux de « maintenir une solidarité interpersonnelle au niveau de l’Etat fédéral pour financer les soins de santé », de sorte à préserver une accessibilité identique dans tout le royaume pour les soins de base (à définir à l’échelon national). Mais, parallèlement, il faudrait songer à regrouper, sous une même autorité, tout ce qui a un lien avec des compétences européennes d’une part (à créer, dont les médicaments, la réglementation des professions de santé, …) et la santé publique de l’autre (dont la gestion des épidémies). Un seul niveau de pouvoir devrait en outre se charger de tout ce qui relève de la prévention, de la dispensation des soins et de leur organisation (au sens large : soins aigus, soins chroniques, établissements d’hébergement…), et de l’affectation des budgets y afférents. Et le GBO de suggérer dans la foulée un rééquilibrage entre ambulatoire et hôpitaux, « surtout au sud du pays toujours très hospitalocentriste », et entre paiement à l'acte et au forfait. Un lieu unique pourrait être créé pour coordonner les politiques ne relevant pas clairement d’une seule autorité publique.
Jean-Noël Godin insiste pour qu’on évite que ce soit le choix d’une personne entre deux systèmes de santé qui définisse qui a les compétences de paiement des prestataires et de remboursement de leurs prestations « car il y aurait alors un choix entre un régime francophone/wallon et un régime flamand avec la conséquence immédiate d’une médecine à deux vitesses ».
Derniers commentaires
Jean-Michel SERVAIS
18 octobre 2021Diable combien le Confrère Godin a raison!
Je suis un ancien hospitalier, voire hospitalo-centriste...mais je me soigne!
Chacun à sa place. Bien évidemment la pandémie a montré à la fois les limites de cette balkanisation de la santé et l'impuissance des divers niveaux à gérer quoi que ce soit. Aujourd'hui même on s'inquiète de patients régionaux vaccinés à Bruxelles et en même temps on demande à Bruxelles d'écouler des doses de"moderna" régionales... Super :(
Mon commentaire ne vise en rien la compétence des collègues wallons qui font plus que bien leur travail ; mais il le font dans un cadre dont l'inventeur du puzzle ne retrouverait pas ses jeunes.
Oui le Dr Godin a raison!
Puisse son appel être entendu. La santé publique mondiale n'a pas de couleur, de langue, de sexe, : elle est la santé publique dont les politiques doivent se saisir pour piloter, le retour à l'état antérieur ( cela n'existe pas) adapté à ce que nous venons de vivre ( voire à ce que nous vivons).
Raymond Moriaux
17 octobre 202141 ans qu'on le dit ...