La Fédération des Maisons Médicales (FMM) a organisé ce mardi un débat sur la santé des femmes au travail. Les participant(e)s ont mis l’accent sur une vision encore trop masculine de la protection des femmes dans le milieu professionnel, en particulier pour les métiers les moins valorisés. Plusieurs causes peuvent expliquer pareille situation. La formation en médecine du travail en est sans doute une.
Beaucoup de femmes sont reléguées, pour toutes sortes de raisons, dans des postes subalternes. Très peu occupent des postes de direction. «C’est anormal si on sait que 47% des femmes de 25 à 45 ans ont un diplôme supérieur alors que seulement 38% des hommes de même âge en ont un», déclare Pauline Gillard, chargée d’études à la FMM. Nombreuses sont celles qui travaillent à temps partiel mais dont ce n’est pas le choix.
Le fait est qu’elles doivent, en plus de cette activité professionnelle, fournir un travail dit invisible, celui des tâches ménagères et d’éducation des enfants. Ce travail n’est guère pris en compte dans les mesures sociales. Le risque de surcharge avec tout ce que cela implique est pourtant bien réel.
Tenir compte de la morphologie
Dans le milieu professionnel, il n’est pas assez tenu compte des réalités du corps de la femme, qui est différent de celui de l‘homme. «Il n’y a pas seulement le climat hormonal qui est différent», explique Laurent Vogel, chercheur associé à l’Institut syndical européen (ETUI). «La morphologie de la femme, différente de celle de l’homme avec notamment un tissu graisseux structuré de manière différente, interfère avec la toxicologie.
Or très peu d’études, si tant est qu’il y en a, tiennent compte de manière différenciée des doses acceptables. C’est typiquement le cas pour les pesticides».
Laurent Vogel dénonce encore un autre aspect récemment identifié mais qui peine à faire surface, celui du travail de nuit. Il est aujourd’hui pointé comme facteur de risque de cancer du sein mais très peu de personnes dans le monde ont aujourd’hui pu obtenir pour leur cancer du sein le statut de maladie professionnelle.
Le travail dans le «Care»
Les femmes moins favorisées sont celles qui travaillent dans le «Care», explique Aurélie Leroy, chargée d’étude au Centre tricontinental (CETRI).
Plus large que seulement l’aide et les soins, la notion de «Care» inclut toute activité humaine qui vise à maintenir, continuer ou réparer notre monde de telle sorte qu’on puisse y vivre aussi bien que possible.
Cela concerne le monde des soins, les crèches, les maisons de repos mais aussi toute activité domestique qui a trait à l’entretien de la vie de famille, à l’éducation des enfants et aux tâches ménagères. Ces tâches ménagères sont de plus en plus déléguées à des personnes extérieures à la famille, en particulier celles qui travaillent dans les titres services.
Elles aussi sont menacées par la surcharge de travail et par les douleurs physiques (dos par exemple) mais très peu de dispositions réglementaires viennent les protéger. Il n’est pas rare, d’ailleurs, qu’il s’agisse de travailleuses immigrées, en séjour légal ou non, dont les droits sont plus que limités, si pas nuls.
Que fait la médecine du travail?
Que fait la médecine du travail dans tout cela? Il faut bien reconnaître que sa mission est très réglementée et qu’elle n’a d’une manière générale qu’un rôle consultatif. «En plus de cela, beaucoup de services de médecine du travail sont intégrés dans des sociétés qui offrent par ailleurs aux entreprises qui sont leurs clients d'autres services .
La médecine du travail peut donc se trouver en situation de conflit d’intérêt. Elle ne doit pas trop compliquer la vie de clients qui font appel à ces autres services» explique Laurent Vogel.
Celui-ci déplore encore que «si la médecine du travail s’est largement féminisée, la formation dans cette spécialité continue à négliger la dimension de genre. Sans compter que les enquêtes sur les choix de spécialisation future des étudiants en médecine montrent que la médecine du travail n’est pas très valorisée parmi eux».
> La Fédération des Maisons Médicales a publié en décembre 2023 un dossier «Genre et santé au travail»
> L’ONU a déclaré le 8 mars «Journée internationale des femmes»