Alzheimer: des accusations de fraude remettent en question 15 années de recherche

Fraude ? Faute ? Erreur ? Difficile de savoir réellement ce qu’il s’est passé en 2006 dans le laboratoire de l’université du Minnesota (USA) où travaille Sylvain Lesné, un chercheur français. Toutefois, les révélations de Science, récemment, ont jeté un pavé dans la mare des origines de la maladie d’Alzheimer…

La maladie neurodégénérative décrite par Aloïs Alzheimer il y a plus d’un siècle fait couler toujours autant d’encre tant pour ses origines que pour son décours. Les fameuses « plaques séniles » décrites par le passé grâce aux microscopes de l’époque ont laissé la place aux oligomères de b-amyloïde et aux amas de protéines Tau. D’autres facteurs ont été identifiés depuis. Les cliniciens savent d’ailleurs qu’il est de plus en plus complexe de ne parler que d’une maladie, préférant le terme maladie de type Alzheimer.

Les arguments pour la théorie des oligomères toxiques de b-amyloïdes sont nombreux. Les pièces autopsiques révèlent de hauts taux de ces oligomères dans le cerveau des malades décédés. De plus, on a démontré, in vitro et sur modèles animaux, que la présence de ces dépôts diminuent la capacité des neurones à communiquer entre eux.

« Ab Star is born »

La découverte de Lesné et son équipe est un oligomère particulièrement lourd d’amyloïde b : Ab*56 (prononcez AB Star 56). Administré à de jeunes rats ayant « appris » un parcours dans un labyrinthe. Ceux-ci se sont révélés incapables de retrouver leur chemin contrairement aux rats témoins. De fait, Lesné identifie des bandes oligoclonales particulières chez les rats qui s’étaient perdus. Malheureusement, l’expérience ne peut être reproduite ailleurs. Malgré cela, l’équipe reçoit des prix scientifiques et la recherche sur les amyloïdes dans la maladie d’Alzheimer, 287 millions de dollars, depuis. L’enjeu est de taille puisque cette découverte en implique une autre : celle d’un traitement causal de la maladie.

Trou noir

Entre en jeu en 2021, un autre chercheur en neurosciences de la Vanderbilt University, Matthew Schrag reçoit un appel concernant une enquête sur une possible fraude concernant Ab*56 et plus particulièrement un traitement possible avec une molécule nommée simufilam. Celui-ci aurait la propriété de stabiliser notamment la Ab et d’empêcher qu’elle se fonde en oligomères destructeurs. Cependant, les résultats ne sont démontrés que par la firme ayant trouvé cette molécule : Cassava Sciences.

Selon la démonstration de Schrag dans la revue Sciences, Lesné aurait falsifié ses résultats pour que l’Ab*56 apparaissent plus abondante qu’en réalité. La démonstration de Schrag ne semble laisser que peu de place au doute et beaucoup se demandent s’ils n’ont pas suivi une fausse piste durant… 15 années !

Trois Alzheimer ?

La réponse définitive n’est pas connue, mais il est certain qu’il n’existe probablement pas une cause unique pour « une » maladie aussi polymorphe dans son expression. Une revue de la littérature récente par une équipe internationale montre que le modèle probabiliste serait plus pertinent donnant non pas une maladie d’Alzheimer mais trois. L’une à composante génétique autosomique dominante (très rare), une autre liée à l’Apoprotéine Epsilone 4 (ApoE4) et la troisième une forme sporadique sans APOE4.

La leçon à tirer de cette aventure est très importante d’un point de vue scientifique. Une des causes de l’erreur (volontaire ou non) de Lesné et de son équipe est l’insistance à laquelle les chercheurs sont confrontés pour publier leurs découvertes à tout prix ou de disparaître : le fameux  « publish or perish ». Plutôt que de condamner un ou des scientifiques, on pourrait tenter de trouver une réponse constructive à un financement juste de la recherche fondamentale, ce qui éviterait bon nombre de ces dérives…

  • Blots on a field ? Science 2022 : https://www.science.org/content/article/potential-fabrication-research-images-threatens-key-theory-alzheimers-disease#sidebar

     

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Derniers commentaires

  • Yves Van Crombrugge

    01 aout 2022

    La leçon à tirer de cette aventure est très importante d’un point de vue scientifique. Une des causes de l’erreur (volontaire ou non) de Lesné et de son équipe est l’insistance à laquelle les chercheurs sont confrontés pour publier leurs découvertes à tout prix ou de disparaître : le fameux « publish or perish ». (((( Plutôt que de condamner un ou des scientifiques, on pourrait tenter de trouver une réponse constructive à un financement juste de la recherche fondamentale, ce qui éviterait bon nombre de ces dérives…))) Que ou qui croire ????? Voilà la question . l'espoir fait vivre , l'attente fait mourir . Ceci n'est pas un duplicata, mais un S.0.S ...... Qui est réglo , qui ne l'est pas . Il n'y aura jamais assez de personnes fiables. Mon " super maitre" en chirurgie disait en 1978 , il n'y aura jamais trop de " bons médecins " . Je suis désolé de ne connaitre que le monde médical , mais il semble n'être qu'une facette du monde en général , ......