Il faut intensifier la transmission d'infos complètes et exactes, entre thérapeutes, sur les médicaments prescrits à un patient. C’est l’une des recommandations d’une récente étude française sur la polymédication des aînés, commanditée par des associations de consommateurs et de santé. Trop souvent, le MG traitant – qui chez les 65 ans et plus n’est pas l’unique prescripteur dans 84% des cas –, n’a que des données lacunaires.
France Assos Santé, Santéclair et 60 Millions de consommateurs ont mandaté la société spécialisée OpenHealth Company pour décortiquer durant un trimestre, fin 2016, les habitudes de consommation médicamenteuse de quelque 154.000 citoyens de plus de 65 ans et «polymédiqués» – définis comme prenant régulièrement au moins sept molécules distinctes, en l’occurrence délivrées par 2.600 officines publiques.
Pour la majorité des seniors de l’échantillon, la consommation était en fait bien plus élevée: en moyenne, ces patients prennent de façon continue plus de 14 médicaments différents. Très exactement 14,4 si on englobe produits prescrits et d’automédication, et 13,6 si on retranche l’automédication. Abondamment représentées dans leur armoire à pharmacie, des classes thérapeutiques indiquées contre le chronique: antihypertenseurs, antidiabétiques oraux, antithrombotiques, psychotropes…
2,6 prescripteurs différents/patient
Comme souvent quand de tels constats chiffrés sont publiés, les médecins se voient priés de réfréner leur plume, de ne pas renouveler à l’identique, par habitude, les ordonnances des patients âgés. Lesquels, soit dit en passant, sont parfois les premiers à tenir à «leur liste» de «choses qu’ils prennent depuis toujours»...
Quoi qu’il en soit, France Assos Santé, Santéclair et 60 Millions de consommateurs souhaitent conférer à cette revue critique de la médication une place à part, lui procurant un côté non expéditif: «Plutôt que de renouveler à l’identique une ordonnance, il convient de la réviser», écrivent-ils. «Cela suppose que le médecin puisse y consacrer du temps, (…) dans le cadre d’une consultation dédiée, en engageant un dialogue approfondi avec le patient et, le cas échéant, avec (ses) proches.»
Les commanditaires pointent le généraliste, qui connait le patient dans la globalité et la durée, dans le chronique et dans l’aigu, comme l’acteur tout désigné de cette révision et de la coordination des prescriptions. Un rôle qui n’est pas évident à tenir, admettent-ils, car le MG n’est pas seul en scène, comme on s’en doute. Pour environ 37.500 des aînés suivis dans l’étude, de l’information était disponible quant aux prescripteurs des ordonnances. Près de 50% des patients de ce sous-groupe recevaient des prescriptions d’au moins trois médecins différents. Seuls 16% n’avaient de prescription que d’un seul. La moyenne s’établit à 2,6 prescripteurs différents/patient.
«Cela témoigne de la difficulté à ce qu’un médecin centralise l’information et puisse donc potentiellement apporter le regard médical critique sur l’ensemble de la médication: pour 84 % des patients, le médecin traitant n’est pas l’unique prescripteur, ce qui induit un risque si chaque prescripteur ne s’assure pas que l’information sur sa prescription soit partagée avec ses confrères intervenant dans la prise en charge.»
Ce que suggèrent les commanditaires pour y remédier: «une mise en relation d’égal à égal (du MG) avec les autres spécialistes». Et la coopération active de ces derniers: «ils doivent être parties prenantes, notamment en adressant systématiquement leur compte-rendu de consultations au médecin traitant et en étant prêts à accueillir les remarques de ce dernier».