L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a émis jeudi, à Genève, de nouvelles recommandations visant à réduire les interventions inutiles pendant les accouchements, en hausse depuis 20 ans. Elle considère par exemple que la dilatation du col de l'utérus à au moins un centimètre par heure, appliquée depuis des décennies, n'est plus pertinente.
La règle d'un centimètre par heure, mise en oeuvre depuis "les années 1950" dans le monde entier, constitue l'une des raisons de l'augmentation des interventions inutiles, a affirmé devant la presse un responsable médical de l'OMS, Olufemi Oladapo. Lorsque les médecins et le personnel soignant sont confronté s à un travail plus lent que cette référence, "la tendance est d'agir", soit par le biais d'une césarienne, soit avec l'utilisation de médicaments comme l'ocytocine, qui accélèrent le travail, entraînant une médicalisation accrue de l'accouchement, a-t-il expliqué.
Les preuves scientifiques montrent désormais que ce facteur ne peut à lui seul décider d'une anormalité d'un accouchement et provoquer des interventions médicales, a-t-il poursuivi. "Des recherches récentes ont montré que cette ligne ne s'applique pas à toutes les femmes et que chaque naissance est unique", a déclaré M. Oladapo, ajoutant: "la recommandation que nous faisons maintenant est que ce seuil ne devrait pas être utilisé pour identifier les femmes à risque".
L'OMS ne fixe pas de nouveau seuil, recommandant plutôt de suivre les conditions de la mère et du bébé. Elle considère malgré tout que la première phase d'un accouchement devrait durer au maximum 12 heures pour un premier bébé et 10 heures pour les suivants.
Aussi longtemps que la situation "avance" dans ce calendrier et qu'aucune complication n'est observée, "il ne devrait pas y avoir de raison de mener des interventions", selon M. Oladapo. "La grossesse n'est pas une maladie et la naissance est un phénomène normal dont vous pouvez attendre que la femme puisse l'accomplir sans intervention", a-t-il encore affirmé.
"Or, au cours des deux dernières décennies, ce que l'on a vu, ce sont de plus en plus d'interventions médicales pratiquées inutilement sur les femmes", a-t-il ajouté.
Il estime par ailleurs que la nouvelle recommandation doit aussi permettre aux médecins de se "protéger" d'éventuelles poursuites.
L'OMS ne redoute pas de procès en cas de décès d'un bébé dans un cas où le rythme aurait été plus lent que celui en vigueur jusqu'à présent. Elle souhaite en effet "redonner un peu de pouvoir à la femme" dans le processus en demandant de l'associer à chaque décision. Un tel scénario est ainsi "moins probable", a souligné de son côté le coordinateur de la santé reproductive à l'OMS.
Parmi les 56 recommandations émises, 30 reprennent des principes existants et 26 sont nouvelles.
L'OMS demande notamment de garantir la possibilité pour les femmes de décider comment affronter leur douleur ou quelles positions elles souhaitent pendant l'accouchement. Ou encore du rythme de la poussée.
Oladapo ne "doute pas que des bénéfices financiers" puissent aussi influencer la décision de médecins de recourir à certains actes. "Certaines femmes reçoivent trop d'interventions alors qu'elles n'en ont pas besoin et d'autres n'ont pas accès à celles qu'elles devraient avoir", affirme-t-il.
Il dénonce une "inégalité", qualifiée même par l'OMS de violation des droits des femmes. La plupart des plus de 130 millions d'accouchements chaque année ont lieu sans difficulté, même si environ 830 femmes décèdent chaque jour pendant ou après la naissance de leur enfant.