Qu’inspirent les scores de notre enquête à Philippe Devos, installé depuis peu dans le fauteuil présidentiel de l’Absym? L’anesthésiste liégeois ouvre son analyse en pointant un problème de perception de la part des premiers intéressés: «Les soignants ont tendance à penser que l’agressivité qu’ils essuient, c’est la normalité».
D’après des études menées dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux dans divers hôpitaux de Liège, le personnel trouve que subir des agressions verbales, être insulté, menacé… est un peu le lot du métier, relate le Dr Devos. «Toutes ces études ont montré une tendance à la banalisation, à la minimisation, du phénomène. Pour une bonne part de soignants en place, la violence verbale doit dégénérer jusqu’à quelque chose de physique avant qu’ils jugent nécessaire de recadrer le patient.»
Le syndicaliste sent toutefois le vent tourner. «Dans la jeune génération, d’infirmiers mais aussi de médecins, les choses changent. On retrouve une attente de respect, il y a comme un retour à une tolérance zéro face aux mots et aux gestes déplacés. En fait, c’est un retour à une norme qui s’était estompée.»
Apprendre à désamorcer
On voit de plus en plus, dans une série d’hôpitaux, des formations à la gestion de l’agressivité, enchaîne le Dr Devos. «Le plus souvent, elles sont destinées au cadre infirmier. Parfois, les directions se souviennent des médecins et leur en proposent certaines. C’est plus rare encore qu’on songe aux assistants, considérés comme des collaborateurs éphémères» - alors qu’ils sont pourtant, avec leur présence fréquente aux urgences, particulièrement exposés.
Philippe Devos ne croit pas en un soudain virage à 180°, «l’agressivité latente étant un phénomène sociétal, bien au-delà de la sphère médicale». Pour ‘faire avec’, l’apprentissage de techniques de communication éprouvées qui permettent de désamorcer l’animosité, d’alléger les tensions, n’est donc pas un luxe.
«Personnellement, je trouve que les cours de communication ne reçoivent pas une place suffisante dans notre cursus. Ce dernier comprend parfois quelques heures sur l’annonce d’un diagnostic grave. Mais il y aurait encore beaucoup à faire pour former davantage les futurs médecins à diverses formes de communication interpersonnelle, à l’empathie, à la transmission efficace de l’information…»
Une fois en activité, ceux-ci ne devraient pas oublier qu’informer les gens apaise souvent le mécontentement. «On ne va pas s’autoflageller, mais on a quand même un devoir de communiquer avec les patients, par exemple sur le temps approximatif d’attente. Dans ma consultation personnelle, s’il m’arrive d’avoir 45 minutes de retard, j’en informe les gens quand je vais chercher le patient suivant et je m’en excuse. Je vois que des confrères qui n’ont qu’un quart d’heure de retard mais ne le signalent pas, sont ensuite confrontés à des attitudes plus agressives.»
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