La lecture de l'entièreté de l'ADN d'un individu est à nos portes, pointe dans un rapport lundi le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE). Face aux avancées en la matière sur le terrain, celui-ci préconise "la plus grande prudence", car les enjeux financiers et éthiques sont "considérables".
Jusqu'à présent, la majorité des analyses génétiques se concentraient sur un ou plusieurs gènes bien précis, recherchés dans l'ADN d'un patient. Aujourd'hui, les analyses "de génome entier" (Whole Genome Sequencing - WGS) donnent la possibilité de lire l'ensemble des gènes sur un seul échantillon, in dique le KCE. Et ce, "à un prix qui concurrence déjà celui de certaines analyses génétiques classiques".
Cette révolution technologique n'est cependant pas sans soulever des questions éthiques, logistiques et opérationnelles, selon le Centre. "Voulons-nous en effet tout savoir?", s'interroge-t-il.
Marc Moens, président de l'Association belge des syndicats médicaux (Absym), pointe pour sa part "les gigantesques dilemmes éthiques" introduits par la nouvelle technologie. Il pense notamment au test prénatal non invasif (NIPT) pratiqué chez les femmes enceintes pour détecter le syndrome de Down (trisomie 21) chez le fœtus par l'analyse de son ADN. Avec le WGS, d'autres anomalies génétiques pourront être détectées, alors qu'on ne saura peut-être même pas si elles auront des conséquences et lesquelles. "Cela pourra mener à beaucoup d'avortements inutiles", craint Dr Moens.
Une autre question est de savoir s'il faut informer le patient s'il ressort de l'analyse ADN qu'il risque de développer dans le futur une maladie grave. La plupart du temps, "la réponse est oui. Mais il est par contre préférable de s'abstenir en cas de maladie contre laquelle on ne dispose pas de prévention ou de traitements efficaces", souligne le rapport. Le Centre fédéral d'expertise admet par ailleurs "que la décision de communiquer ou pas ce genre d'information doit être prise avant d'effectuer les analyses, de commun accord entre le médecin et le patient, au cours d'une procédure approfondie et explicite de consentement éclairé".
Le KCE appelle ainsi à "la plus grande prudence". "Un projet pilote permettrait d'aborder les problèmes un par un avec les acteurs concernés, de tester - et de chiffrer! - différentes solutions avant de prendre les décisions définitives qui engageront notre pays sur la voie de cette technologie résolument futuriste."