Heure après heure, la vie des hôpitaux bascule un peu plus dans l’urgence absolue. Pour résister à la seconde vague, tous les lits sont mobilisés et le personnel restant aussi. Mais le manque de bras et de lits rend la vie impossible aux directeurs médicaux. Par ailleurs, les transferts ne sont pas faciles.
Face aux cinq phases qui composent le phasage du plan hospitalier prévu afin d’éviter les problèmes rencontrés lors de la première vague, ils doivent composer avec la réalité du terrain. Tous les hôpitaux ne peuvent pas entrer concrètement dans les phases 2A et 2B. Pour Étienne Wéry, administrateur délégué des hôpitaux Iris, « C’est très difficile à appliquer ces phases sur le terrain. On va très vite arriver dans la phase 2A. On va adapter les lits et le personnel à la situation comme on pourra. » Dans les services, les bras manquent : « On est à 20% d’absentéisme. Cette semaine, on déprogramme. On n’arrive pas à transférer tous les cas que l’on souhaite. » Face à cela, les solutions ne sont pas nombreuses : « Le recourt à l’intérim est bloqué. Il n’y a plus de possibilités. On va faire appel à des bénévoles extérieurs la semaine prochaine comme on avait fait pour la première phase. »
Impossible phase 2 B
Pour Peter Fontaine, Directeur Général et Administrateur Délégué des Cliniques de l'Europe, depuis hier en phase 2A du plan d'urgence, « la Phase 2B est matériellement impossible en raison du manque de mains et des soins urgents non COVID compromis. Nous sommes maintenant bien au-dessus du pic de la première vague avec un afflux net quotidien d'une dizaine de patients. Le gouvernement n'a toujours pas pris de mesures fermes pour mettre fin à cette augmentation. »
Des propos confirmés par Julien Compère, administrateur délégué du CHU de Liège : « C’est théorique ce phasage. Certains hôpitaux ne peuvent pas passer en phase 2 A parce qu’ils ne peuvent pas avoir le personnel pour s’adapter. Nous, on peut encore créer des lits de soins intensifs en plus mais certains hôpitaux ne peuvent plus le faire parce qu’ils n’ont pas les ressources de personnels nécessaires. » De son côté, il constate « 10-15% de malades ou d’absence dans le personnel. »
Pas de possibilité en Allemagne
La réaction est la même pour Stéphane Lefebvre, le directeur du CHR Verviers: « Nous continuons à avoir un certain nombre d’infirmières malades. » Pour lui, les phases sont vraiment devenues aussi très théoriques : « Ces phases ont été prévues pour un autre type de vague. Elles ne sont pas adaptées à la réalité d’aujourd’hui. On gère les lits comme on peut. »
L’hôpital a réalisé ses premiers transferts vers le CHU de LIège et vers l’hôpital d’Hasselt. Il pourrait aussi le faire vers l’Allemagne, mais la situation sera plus compliquée que prévue : « Notre hôpital le plus proche est celui d’Aix-la-Chapelle mais il est complet. Si nous devions nous tourner vers l’Allemagne, nous devrons donc aller plus loin et il faut une collaboration internationale. » Il revient sur cette question des transferts : « Ils ne sont pas évidents à réaliser notamment parce que les familles s’y opposent et que l’état des patients doit le permettre. »
Au-dessus de la première vague
Pour l'administrateur-délégué du groupe Jolimont (Mons, Lobbes, Jolimont, Nivelles, Tubize...) Stephan Mercier « on va saturer en 5 semaines au lieu de saturer en 3 semaines comme dans la première vague, mais on va monter au-dessus de la première vague. »
Sur le terrain, il le voit : « A Jolimont et Lobbes, on est déjà au-dessus de la première vague. On doit passer en phase 2. Des lits, on en aura mais la tendance n’est pas bonne. »
Le personnel souffre : « Le personnel malade n’est pas absent très longtemps. Une semaine à dix jours maximum. Pour le moment, il y a des services où cela atteint les 30%. On déprogramme à cause du manque de personnel. »
Il ne voit pas beaucoup de solutions : « Il y a des hôpitaux qui misent beaucoup sur l’arrivée de volontaires. Nous, on travaille beaucoup avec les étudiantes-infirmières. Il y a aussi des contrats d’Interim. »
Dans les services, les premiers décès arrivent : « Les patients restent hospitalisés moins longtemps parce qu’on les soigne mieux. Il y a eu plus de turnover. On a tout de même fait 13 admissions en une nuit. A Jolimont par exemple, on a eu des sorties de personnes soignées et malheureusement deux décès covid. »
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Je ne comprends pas très bien cet absentéisme ? Maladie, quarantaine, congé, signal, message à passer ?
— Gilbert Bejjani (@drbejj) October 23, 2020
Cela va devoir s’arranger avec la fermeture des activités dites «normales» mais c’est triste pour les patients. Par ailleurs je comprends parfaitement la colère des soignants.
Maladies, épuisement, dorsalgies, dépressions, burn-out, quarantaines, congés pas pris au printemps,
— Philippe Smet (@Philipsmithy) October 23, 2020
On a dépassé le stade de l’alarme sur le terrain. Lits, respi, ecmo, cvvh ... urgences saturées... manque de soignants = danger sur tt la chaine. @NatSchirvel @vkokoszka @doctorhub on est épuisé et triste
— Moodify (@carinedepotter) October 23, 2020
Exemple concret chez mes amis: couple de soignants, un enfant, pas de famille en Belgique. Deux puéricultrices positives entraînant fermeture crèche pour deux semaines... et le pire collègues de service dans la même situation car crèche de l’hôpital
— Yasmina Serroukh (@YasSerroukh) October 23, 2020