Qu’est-ce qui empêche ou au contraire favorise la réinsertion professionnelle des travailleurs en arrêt maladie de longue durée? A la demande de l’Inami, la Fondation Roi Baudouin (FRB) a croisé les arguments de médecins (dont des MG) et de patrons. Les premiers ont notamment suggéré d’intensifier le dialogue avec les médecins-conseils et du travail, en reconnaissant (donc rétribuant) ces temps de concertation comme des actes à part entière.
Ce n’est pas la première fois que Medi-Sphere se penche sur la problématique de la réinsertion de travailleurs en IT de longue durée, surtout depuis l’avènement des dispositions De Block/Peeters et leur «plan de réintégration». La FRB a réuni dans des focus groups séparés puis mixtes des employeurs et responsables RH et, d’autre part, des psychiatres et des rhumatologues praticiens (le burn-out et les maux de dos sont des causes majeures d’incapacité) et des généralistes. La Fondation agissait sur mandat de l’Inami, préoccupé par l’explosion du nombre de Belges en incapacité/invalidité, qui le pousse à travailler à la responsabilisation du corps médical (dans la prescription de l'incapacité/invalidité) et des directions (dans la prévention et l’offre de possibilités de remise au travail, progressif ou adapté).
Il en découle une synthèse d’une soixantaine de pages, disponible en ligne et évidemment plus détaillée que les considérations ci-après. Elle distingue les avis des uns et des autres, et les conclusions des ateliers mixtes.
Les médecins, entre eux, ont pointé l’inexistence de toute formation, tant à l’université qu’au niveau des organisations professionnelles, à la problématique de l’incapacité de travail, alors que c’est une matière complexe, omniprésente et aux claires implications dans la vie des patients. Ils ont aussi évoqué le «chaînon manquant», ou plus exactement l’articulation uniquement chronologique, entre la 1ère et la 2ème ligne. Le MG, l’habituelle ‘porte d’entrée’ du processus, doit certes faire son mea culpa: certains certificats sont peut-être rédigés de manière trop laxiste. Mais quand, traditionnellement, il envoie son patient vers un spécialiste, il se voit alors fort souvent «dépossédé» du cas.
En plus, ce renvoi rajoute un délai, car le spécialiste repart quasiment de zéro, par circulation suboptimale d’infos. L’interdisciplinarité et la concertation sont beaucoup plus théoriques que pratiques. Or, il est démontré que plus le délai s’allonge, plus les chances de reprise s’amenuisent. D’où la conclusion des participants: pour un MG, il serait «utile d’avoir un référent auquel il peut s’adresser: par exemple, un psychiatre qu’il pourrait consulter de manière ponctuelle pour remettre un avis sur un traitement médicamenteux» – et sans pour autant que le MS s’approprie le cas en question.
Concertation = économies
Outre une plus grande interdisciplinarité entre soignants eux-mêmes, les médecins participants ont plaidé pour davantage de concertation entre les mondes professionnel et médical, avec une approche globale et une intensification des concertations entre le médecin traitant, le médecin-conseil et le médecin du travail, le cas échéant en exploitant des moyens modernes comme la vidéoconférence. Cela étant, «ces moments de concertation doivent être reconnus et rétribués comme des actes à part entière. Ce coût supplémentaire sera largement compensé par les économies que la concertation permettra de faire dans le budget du régime d’incapacité de travail.»
Les médecins ont aussi discuté de l’opportunité de s’entendre sur une durée standard de traitement pour une série de pathologies courantes. Vu l’agenda des professionnels concernés par cette concertation multi-acteurs qu’on espère (cf. supra), ne faudrait-il pas activer celle-ci uniquement quand l’IT excède le délai dit ‘normal’ pour une affection donnée? Les avis sont partagés, résume la FRB, les sceptiques objectant qu’un tel système risque d’être compris par certains patients comme: ‘j’ai droit à autant de jours de congé, Docteur!’.