Le parti socialiste a déposé à la Chambre sa proposition de loi suggérant un modèle belge de réglementation du cannabis. Il vise à organiser, à travers un cadre légal strict, un contrôle public du marché, s'exerçant sur l'ensemble du processus de production, de la culture du produit jusqu'à sa consommation. Le texte propose deux voies possibles de production et de distribution: la production individuelle de cannabis dans le cadre d'un usage strictement personnel (un arrêté royal préciserait le nombre de plants maximums; un exemple de six plants maximum par personne est cité) et celle assurée pour le compte de leurs affiliés par des "Cannabis Social Clubs" (CSC) à créer. Ces CSC fonctionneraient moyennant une licence délivrée par une "Autorité de contrôle du cannabis" (ACC). Ils pourraient installer une salle de consommation qui informerait les affiliés et orienterait les consommateurs problématiques vers des associations d'accompagnement. L'emballage des produits devra rester neutre et sera informatif, notamment sur la teneur en THC et cannabidiol (CBD). L'objectif du texte est d'aller à rebours de la banalisation du produit promue, selon les auteurs, par le système répressif actuel. Il vise à tarir les réseaux criminels d'approvisionnement. Il permettrait également de se concentrer sur la prévention et la réduction des risques. Le cannabis serait interdit aux mineurs d'âge. La conduite sous influence serait poursuivie, selon le modèle par pallier qui s'applique à la conduite sous influence alcoolique et non plus sur la base de l'identification ancienne du produit dans le corps. La proposition de loi organise un contrôle de qualité du produit (taux maximum de THC et de cannabidiol, exigences imposées par la labellisation de l'agriculture biologique...) et de l'ensemble de la filière de production et de distribution. L'Autorité de contrôle serait chargée de veiller au respect des normes. Elle rendrait des décisions potentiellement sanctionnelles susceptibles de recours devant la Cour d'appel de Bruxelles, de sorte qu'une jurisprudence constante puisse s'imposer au modèle. Toute publicité invitant à la consommation du cannabis serait proscrite. Le prix des produits résulterait d'un calcul équilibré visant à ne pas encourager la consommation tout en assurant une forme d'attractivité par rapport au marché criminel. La distribution de cannabis par les CSC sera soumise au régime de la TVA et pourra faire l'objet d'un prélèvement d'accises par le gouvernement à des fins de gestion dynamique de la politique des prix. Les rentrées fiscales devront être prioritairement attribuées aux associations et institutions spécialisées dans les assuétudes, au fonctionnement de l'Autorité de contrôle, à la politique de prévention et de réduction des risques ainsi qu'à l'évaluation du sy stème mis en place. Enfin, la proposition de loi invite également, dans son commentaire, à légiférer par ailleurs en vue d'autoriser l'usage du cannabis à des fins médicales. Justifiant leur proposition de loi, les socialistes font le constat de l'échec de la politique de prohibition en vigueur depuis plus de cinquante ans. Le nombre de consommateurs n'a cessé d'augmenter, singulièrement dans les catégories les plus jeunes de la population. Ces consommateurs alimentent un marché criminel de plus en plus prospère. Cette situation est coûteuse pour l'appareil judiciaire et ne permet pas, estiment les députés socialistes, une politique de prévention et de réduction des risques digne de ce nom. Les prisons sont peuplées de condamnés pour des délits liés à l'usage personnel de cannabis. Depuis 2000, la consommation de cannabis est tolérée en Belgique, bien que la loi continue à énoncer une interdiction de principe. Depuis 2005, une directive du ministre de la Justice et du collège des procureurs généraux fixe les conditions des poursuites. A certaines conditions, les poursuites ne s'exercent pas. Les divergences d'application selon les arrondissements judiciaires contribuent toutefois à la confusion qu'entraîne cette politique de tolérance. Celle-ci ne résout en outre pas la question de la criminalité du marché d'approvisionnement. Les auteurs de la proposition de loi entendent profiter d'un "momentum" alors que de nombreux Etats américains ont légalisé l'usage du cannabis, tantôt récréatif tantôt médical. L'Uruguay a été le premier Etat au monde a réguler le système de production du cannabis et sa vente. Le Canada s'apprête également à réguler son marché. L'Espagne autorise les Cannabis Social Clubs. Les Pays-Bas, qui ont légalisé le cannabis, ne constituent pas un modèle pour les signataires. En effet, les Néerlandais n'ont pas résolu la question de l'approvisionnement par le marché criminel. La France, qui est un des Etats européens le s plus répressifs est aussi un de ceux qui connaît le plus grand nombre de consommateurs, constatent les élus PS qui y voient une justification de renoncer à la politique de prohibition. La proposition de loi est signée par huit députés socialistes dont la cheffe de groupe sortante Laurette Onkelinx, le président du PS Elio Di Rupo et le député-bourgmestre de Liège Willy Demeyer, actif au parlement sur la question des drogues. |