Les médecins de l'Office des étrangers entendus mardi en Commission de l'Intérieur ont démenti avoir fait l'objet de la moindre pression de leur hiérarchie pour orienter leur avis dans un dossier de régularisation médicale. Il apparaît en revanche que leur cadre est largement incomplet et qu'ils ne font pas appel à des experts en cas de doute sur une pathologie.
"Notre autonomie est complète. Notre hiérarchie n'intervient pas pour nous demander de prendre telle ou telle décision", a assuré Didier Strale pour répondre aux critiques émanant de plusieurs instances ou associations.
Le médiateur fédéral a produit en novembre un rapport qui met en cause la qualité et la durée de la procédure. Il épingle notamment "les conditions de travail des médecins de l'Office des étrangers (qui) ne leur permettent pas toujours d'agir en conformité avec la déontologie médicale".
Les médecins de l'Office n'interviennent pas dans un cadre de diagnostic ou thérapeutique. Ils se prononcent sur le dossier qui leur est fourni par le demandeur d'une régularisation médicale. Le cas échéant, ils lui demandent des compléments d'information et le rencontrent si nécessaire mais ce cas est plutôt rare. Il leur revient de se prononcer sur la gravité de la maladie telle qu'elle ressort du dossier, sur les risques qu'un rapatriement ferait courir au malade et sur la disponibilité d'un traitement dans le pays de retour. Pour ce faire, ils recourent au système "MedCOI" (Medical Country of Origin Information) financé par l'Union européenne et contenant quelque 4.000 données.
Les médecins de l'Office ne s'adressent jamais directement au médecin traitant d'un demandeur car la loi ne les y autorise pas. "C'est juridique, c'est un peu stupide mais c'est comme ça", a souligné Michèle Vilain.
Il est également ressorti de l'audition que les médecins de l'Office ne requéraient jamais -officiellement du moins- l'avis d'un spécialiste, comme le soulignait le rapport du médiateur. Selon plusieurs témoignages, il s'agit d'une consigne de l'Office. Les médecins ont fourni une autre explication: il n'existe pas de liste d'experts auxquels ils peuvent s'adresser. Un appel a été lancé mais aucun médecin spécialiste n'y a répondu, ont-ils expliqué. L'explication est loin d'avoir convaincu les parlementaires.
Cette absence de consultation gêne également l'Ordre des médecins. "La médecine a éclaté en un grand nombre de sous-spécialités. Le médecin évaluateur n'est pas omni-compétent. Il ne connaît pas tous les domaines. Le recours à des experts n'est donc pas contre-indiqué", a souligné le vice-président du Conseil national de l'Ordre, Jean-Jacques Rombouts.
Les trois médecins ont aussi mis en avant les difficultés de leur métier. "Nous sommes sujets à des intimidations et des menaces par certains requérants, leur avocats ou leurs médecins", a souligné Mme Vilain.
Les médecins sont au nombre de 9 à l'Office des étrangers -contre 20 il y a quelques années- et ont traité l'an passé 3.807 dossiers.