La SSMG s’inquiète de l’impact de l’e-prescription – du moins à son stade actuel de développement – sur la qualité des prestations du MG. Dans l’intérêt de la sécurité des soins, ce qui devrait aider le médecin n’est pas supposé l’énerver. La SSMG redoute également la mise hors-jeu de certains confrères et, globalement, l’effet centrifuge de «contraintes informatiques inconsidérées».
La SSMG se défend de remettre en question le principe de l’informatisation progressive des soins de santé. Elle fait pourtant observer que l’e-prescription, transitant par le serveur Recip-e, est un système «en passe de devenir obligatoire mais qui connaît encore énormément de ratés». Selon elle, le MG doit utiliser des «outils d’e-santé encore non aboutis sur lesquels il a peu de prise, ou ne tournant pas aussi rapidement que les démos officielles le laissent penser». Et, ce qui n’arrange rien, sous la pression du direct, pourrait-on dire, parce que le médecin a un patient en face de lui et une salle d’attente qui se remplit. «Le fait de perdre du temps, perdre son calme, revenir à ses moutons médicaux après s’être arraché les cheveux sur une application… peut difficilement être considéré comme favorisant la qualité de la prestation», écrivent les Drs Orban et Van der Schueren, vice-président et secrétaire général.
La SSMG pointe aussi un «taux d’échec des transmissions trop élevé», qui génère plus d’appels des pharmaciens aux MG «au risque de perturber les consultations», ainsi que le fait que «des possibilités existant en filière papier (magistrales, stupéfiants…) ne sont pas implémentées dans le système». Bref, en l’état, la SSMG déclare voir dans la filière électronique de prescription médicamenteuse «un risque si pas de dégradation des relations médecins-pharmaciens-patients, à tout le moins d’incompréhensions et de tracasseries».
Exclusions en vue
La SSMG souligne que, quand bien même on met tous ces bugs (de jeunesse?) de côté, il y a une série de situations dans lesquelles user de l’e-prescription est problématique, à commencer par les contacts patients hors cabinet: «[Elle] réclame un environnement et un équipement (PC, imprimante, lecteur de carte d’identité électronique, connexion internet de qualité…) qui ne sont pas forcément présents dans une situation spécifique à la médecine générale: la visite à domicile. Les généralistes vont-ils être amenés à renoncer au domicile à cause de la prescription électronique?» Question analogue pour la prescription des traitements des résidents des MR(S).
La société scientifique s’alarme enfin du sort de médecins que le passage à une e-prescription générale et imposée en 2018 risque de sortir du circuit, e.a. parce qu’ils ne possèdent pas ou plus de logiciel métier labélisé assurant la connexion avec le serveur Recip-e. Elle cite les «MG non informatisés, les retraités ayant diminué mais pas stoppé leur pratique, les spécialistes qui prescrivent traditionnellement peu, les confrères travaillant en institutions publiques ou privées». Peut-être serait-il bon de prévoir des plans B techniques à leur égard (par exemple de petits logiciels de prescription qui soient indépendants du DMI, suggère-t-elle).
Savoir ce qu’on veut
En conclusion, la SSMG interpelle l’autorité sur la vieille thématique de l’attractivité d’un métier dont on sait qu’il connaît des pénuries. «Les pouvoirs publics sont-ils conscients de la surcharge administrative – fût-elle électronique – qu’ils imposent tant aux jeunes confrères qu’aux plus chevronnés?», questionnent Thomas Orban et Thierry Van der Schueren. Pour eux, l’équation (surcharge administrative + contraintes informatiques inconsidérées) est toxique pour la rétention à la fois des jeunes MG qui pourraient se réorienter et des «anciens» qui pourraient raccrocher plus vite.